Faut-il courir sur l’avant pied ?

Damien DodelinArticles

Podologue

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Est ce que le changement de technique de course est bénéfique ? Est ce mieux de courir sur l’avant pied ? Est ce que ce changement permet de limiter les blessures ? Est ce que ce changement permet d’être plus performant ?

Qu’en dit la science ? Orthodynamica vous propose un résumé d’article scientifique paru récemment et écrit par un chercheur en biomécanique de course reconnu.

 

Is changing footstrike pattern beneficial to runners?

Joseph Hamill, Alison Gruber

2017 – Journal of Sport and Health Science

 

Il existe 3 types de foulées chez les coureurs à pied : 1) attaque avec l’arrière pied, 2) attaque avec le médio pied, 3) attaque avec l’avant-pied. Le type de foulée est donc déterminé en fonction de la partie du pied touchant le sol en premier lors du contact initial (du pied) avec le sol.

Une étude de Lieberman et al. 1, a rapporté que les individus n’ayant jamais chaussé de chaussures (ou très peu) utiliseraient, à la course, une foulée type avant-pied alors que les individus habituellement chaussés utiliseraient une attaque talonnière à la course. Cette étude a donc introduit la notion de foulée « plus naturelle » et a conduit à de multitude études. Ainsi, de nombreux coachs ont suggéré à la suite qu’un changement de pattern de course, d’une foulée « non naturelle » à une foulée « naturelle » pourrait permettre l’augmentation des performances et la réduction des blessures de la course à pied 5-7. Néanmoins, cette étude a été discutée dernièrement par Hatala et al. 2, qui ont rapporté que 72% des individus habituellement non chaussés courraient avec une attaque talonnière. Cette dernière étude a été réalisée dans une région Africaine différente.

  • Les patterns de course : fréquence et sélection

Les études épidémiologiques sur le pattern de course ont montré que l’attaque talonnière est la foulée la plus utilisée par les runneurs. Kerr et al. 17 ont trouvé que 81% des runneurs au 10eme et 20eme km d’un marathon utilisaient une attaque talonnière contre 19% pour une attaque du médio-pied. Une autre étude (Hasegawa et al., 18) sur un semi-marathon élite a montré que 75% des runneurs utilisaient une attaque talonnière contre 23% en attaque médio-pied et 2% sur l’avant-pied. Une étude, 19, plus récente sur un panel de sujet plus important (1991 runneurs) conclu sur 94% de coureurs avec une attaque talonnière.

  • L’économie de course ?

Podologue du sport

Plusieurs études ont d’abord été publiées spéculant que l’attaque médio-pied/avant-pied permettait d’augmenter l’efficacité de stockage et de relâchement de l’énergie élastique et ainsi concluaient sur la possibilité d’une course plus économique (consommation moins importante d’oxygène pour une tache donnée). Toutefois, des études récentes ne rapportent pas de différences sur la consommation d’oxygène entre un groupe de coureurs avec une attaque talonnière et un groupe avec une attaque avant pied (coureurs habitués) 30, 29, 31. De plus, des études récentes ne concluent pas sur des différences entre patterns de course concernant la consommation de masse d’oxygène et le taux métabolique 32,33.

Gruber et al. 32, ont étudié l’impact sur l’économie de course lorsque le pattern de course est alterné. Les coureurs habitués avec une attaque talonnière ont rapporté plus de consommation d’oxygène lorsqu’ils sont passés sur une attaque sur avant pied. Les coureurs habitués sur avant-pied n’ont pas augmenté leur consommation d’oxygène lors de leur transition sur le talon. De plus, les auteurs, en étudiant d’autres facteurs métaboliques, dénotent une consommation pus rapide des stocks métaboliques chez les coureurs sur l’avant-pied, qui provoquerait une course moins économe (sur le temps). Ces dernières résultats seraient possiblement responsables du changement de pattern lors de courses longues pour les runneurs avec une foulée avant-pied terminant leurs efforts sur une foulée plutôt médio-pied.

L’économie gagnée entre le passage d’une attaque talonnière a une attaque avant pied est donc infondée.

  • Force verticale de réaction du sol

Les coureurs avec une attaque talonnière montrent deux pics de force ; un premier pic référé comme le pic d’impact, et un second, plus tard dans la phase d’appui, référé comme le pic actif. Lors de la course sur avant-pied, le premier pic de force est non visible. Ainsi, ces résultats ont laissé conclure que l’attaque avant-pied ne montrant pas de premier pic de force permettait de réduire l’incidence des blessures 1, 11, 42, 43.

Course sur talon podologuePodologue Rouen

Toutefois, de récentes études viennent nuancer ce propos. En effet, en utilisant d’autres techniques afin de quantifier les forces, des chercheurs ont trouvé un premier impact de force également présent chez les coureurs sur avant-pied, à l’image des coureurs sur le talon, mais de magnitude moins importante. Ce pic n’était pas visible sur les études précédentes car arrivant plus tard dans le temps il était confondu avec le pic actif 44, 45, 46.

De plus, la force verticale de réaction du sol est encore aujourd’hui controversée dans son implication sur les blessures. En effet, plusieurs chercheurs concluent sur le lien existant entre forces verticales et l’apparition de blessures 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, alors que d’autres ne trouvent aucun lien entre les deux 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64.

D’autre part, l’attaque sur l’avant-pied / médio pied a été reconnue comme permettant de réduire les « demandes » sur le genou. Néanmoins, ces demandes sont déplacées vers les chevilles et les pieds, mettant davantage de charges sur ces structures et possiblement les exposants de manière plus importante aux blessures 14, 70, 71, 72, 73, 74.

  • Réduire les risques de blessures :

douleur de genou podologue

Trois études avec des panels de sujet conséquent ont été réalisées concernant l’incidence des blessures chez les coureurs avec une attaque talonnière et les coureurs avec une attaque avant-pied. Aucune de ces études ne conclut sur une différence significative concernant le nombre de blessures entre les différents patterns de course. Seuls les sites de blessures semblent être différents. Les coureurs avec une attaque avant pied se blesseraient davantage sur les sites se situant sous le genou 76, 77, 78, 79.

Conclusion :

Aucune preuve solide ne permet aujourd’hui d’admettre qu’un pattern de course est meilleur qu’un autre concernant l’incidence des blessures et l’économie de course.

Le changement de pattern de course pourrait avoir un intérêt pour certains paramètres et certains coureurs mais ne semble pas être adapté à tous les coureurs, surtout les coureurs dit de « loisir ».

Conseil Orthodynamica : Courez avec le pattern de course qui vous est propre ! Celui qui vous est le plus naturel. Nuancez le propos sur les patterns de course à pied. Un pattern de course n’est pas meilleur qu’un autre, il amène simplement à des conclusions, des demandes, des blessures différentes.

1. Lieberman DE, Venkadesan M, Werbel WA, Daoud AI, D’Andrea S, Davis IS, et al. Foot strike patterns and collision forces in habitually barefoot versus shod runners. Nature 2010;463:531-5.

2. Hatala KG, Dingwall HL, Wunderlich RE, Richmond BG. Variation in foot strike patterns during running among habitually barefoot populations. PLoS One 2013;8:e52548. doi: 10.1371/journal.pone.0052548

5. Arendse RE, Noakes TD, Azevedo LB, Romanov N, Schwellnus MP, Fletcher G. Reduced eccentric loading of the knee with the pose running method. Med Sci Sports Exerc 2004;36:272-7.

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7. Glover B, Schuder P. The competitive runner’s handbook. New York, NY: Penguin Books; 1983.

11. Breen DT, Foster J, Falvey E, Franklyn-Miller A. Gait re-training to alleviate the symptoms of anterior exertional lower leg pain: a case series. Int J Sports Phys Ther 2015;10:85-94.

17. Kerr BA, Beauchamp L, Fisher V, Neil R. Footstrike patterns in distance running. In: Nigg BM, Kerr B, editors. Biomechanical aspects of sport shoes and playing surfaces. Calgary, AB:University of Calgary Press; 1983. p. 135-41.

18. Hasegawa H, Yamauchi T, Kraemer WJ. Foot strike patterns of runners at the 15-km point during an elite-level half marathon. J Strength Cond Res 2007;21:888-93.

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